Entrevue sur Internet avec Hervé Fischer
Q. – Bonjour Monsieur Fischer. Vous définissez-vous comme un sociologue, un spécialiste des nouvelles technologies, un entrepreneur, un artiste ou un philosophe?
R. – Je suis un transversal. Ma méthode de vie et de pensée consiste à me déplacer constamment entre art, science, technologie et philosophie. C'est en étant assis entre plusieurs chaises, qu'on invente, ou qu'on découvre, hors des ritournelles instituées.
Q. – À quel public s'adresse votre essai Le Choc du numérique?
R. – J'ai toujours voulu m'adresser le plus largement possible, dans un style accessible, à ceux qui se posent des questions, sans être des initiés. Mais je crois que les spécialistes sont questionnés aussi par Le Choc du numérique.
Q. – À votre avis, le retour au primitivisme que l'on remarque présentement est-il une régression définitive de notre civilisation ou un simple retour de balancier tel que l'Histoire en a déjà connu plusieurs?
R. – Nous sommes tous des primitifs, toujours. Notre cerveau reptilien est sous la surface de la peau, prêt à être réactivé au moindre chatouillis. En outre, nous sommes au tout début de l'âge du numérique. Et la puissance spectaculaire du numérique excite notre instinct de puissance.
Q. – Pensez-vous que l'avènement du numérique préfigure une nouvelle civilisation?
R. – Non pas une nouvelle civilisation, mais un nouvel âge de l'humanité, comme l'âge du feu ou du fer, qui traverse les différences entre les cultures, et ne remet pas en question la diversité des civilisations.
Q. – Vous écrivez dans Le Choc du numérique, page 144: que va surgir de « ces nouvelles techniques numériques un puissant élan de création culturelle, et que l'homme aura, une fois de plus, le dernier mot, celui qui oriente son destin. » Croyez-vous à ce point au pouvoir de la culture?
R. – Tout est culturel, même la science et l'économie. Et c'est en nous appropriant culturellement ces nouvelles technologies, que nous allons les maîtriser et les soumettre à nos valeurs humanistes.
Q. – Vous écrivez également à la page 162: « Comme les grands artistes, les scientifiques et les entrepreneurs d'importance sont tous des créatifs et des imaginatifs délinquants ». Avez-vous une imagination délinquante?
R. – Toute imagination intense sort des chemins battus et des dispositifs institutionnels. L'esprit d'un grand artiste ou d'un grand philosophe débouche nécessairement sur des espaces mentaux de grande liberté.
Q. – Pourquoi avez-vous cessé d'écrire entre 1984 et 2000?
R. – Le phénomène du numérique était trop nouveau pour qu'on puisse le comprendre. J'aurais sans doute regretté rapidement ce que j'aurais écrit, parce que tout changeait sans cesse, et que c'eût été anecdotique ou rapidement faux. Il faut savoir prendre le temps de penser, et encore plus d'écrire, face à l'insaisissable.
Q. – La quête d'une humanité nouvelle est-elle une partie intégrante de votre quête d'identité personnelle?
R. – Il faut repenser l'humanisme, mais je ne crois pas beaucoup à une humanité nouvelle, ou à des cyborgs de science fiction. L'humanité n'a pas changé beaucoup depuis le néolithique. L'humanité ne fait guère de progrès. Ce sont les technologies, la technoscience, qui progresse spectaculairement et rendent notre aventure humaine aussi passionnante que dangereuse.
Q. – Comment s'est développé votre intérêt pour la fusion des technologies nouvelles et de l'art?
R. – Ma paroisse mentale a toujours été le triangle art-science-technologie, qui m'excite comme artiste, comme sociologue et comme philosophe.
Q. – Quels sont vos projets futurs?
R. – Sur le plan professionnel, me consacrer au développement du médialab québécois Hexagram
Sur le plan personnel, consacrer mon travail d'artiste aux icônes de l'âge du numérique et terminer les 4 livres que j'ai annoncés et qui complèteront Le Choc du numérique :
– CyberProméthée, l'instinct de puissance ou le retour de la pensée magique, à l'âge du numérique.
– Mythologie des classes moyennes
– Éléments de mythanalyse
– Logique paradoxale
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